Eglise Sainte Bernadette
N’hésitez pas à venir (re)découvrir ces différents monuments qui témoignent du passé et de l’histoire de la commune.
Cet article a été réalisé grâce aux informations fournies par Elie Boisson (histoire de l’église dont plusieurs extraits sont repris ci après), François Demnard (origine des pierres), Emmanuel Godechot et Claire Troadec (vitraux), Jacques Boullier (Orgue), ainsi que par plusieurs passionnés qui ont apporté des anciennes photos et cartes postales. Merci à tous …
Sommaire :
– un peu d’histoire concernant la commune
– la construction de l’église Sainte Bernadette (1937 – 1939)
– les dernières étapes (1945 – …)
– les pierres utilisées pour la construction
– la réalisation des vitraux par Guily Joffrin
Un peu d’histoire concernant la commune
La commune était historiquement Plouneour Trez, commune importante du pays pagan avec plus de 3 000 habitants et une forte activité économique principalement agricole. Elle avait son église historique – Saint Pierre -, reconstruite en 1890 (cf article ICI). Brignogan n’était alors qu’un simple hameau de Plouneour Trez, situé autour de son petit port de pêche : Pontusval.
Fin XIXème / début du XXème, le hameau de Brignogan s’est ouvert au tourisme avec le fort développement des « bains de mer ». Des villas ont été alors construites par des notables venant des villes voisines : Landerneau, Landivisiau, Lesneven, … L’arrivée du train (le train « patates » venant de Landerneau) a accéléré ce développement. Plusieurs hôtels et pensions de famille se sont alors développés près de la côte et des plages de Pontusval.
Des divergences sont rapidement apparues vers 1920 entre les nouveaux besoins générés par le tourisme et ses « estivants », et les habitudes plus agricoles de la commune. Sous l’impulsion de quelques habitants, et après quelques années de démarches, la séparation de Brignogan est adoptée : la commune de Brignogan est officiellement créée par la loi du 27 janvier 1934 (cf les différents articles dans la rubrique Patrimoine / Histoire ICI).
Les catholiques engagent alors une démarche identique auprès de l’évêque de Quimper et du Léon : par ordonnance du 7 juin 1935, la commune de Brignogan devient une paroisse.
La création de la paroisse
En 1933, Bernadette Soubirou, l’humble visionnaire de Lourdes, avait été béatifiée et comme dans nos anciens diocèses, la création de nouvelles paroisses n’est pas fréquente, l’évêque de Quimper et du Léon a profité de cette création pour dédier la paroisse à Sainte Bernadette. Plusieurs processions seront organisées en hommage à Ste Bernadette
Yves Bellec, prêtre du hameau de Brignogan et économe au collège St François de Lesneven, est son premier recteur. Avec l’abbé Roué à ses côtés, ils achètent sur leurs deniers personnels une parcelle pour y bâtir une chapelle provisoire avant que le chantier de l’église démarre.
Construite en 2 mois, cette chapelle est ouverte le 21 mai 1935, bénie par Mgr Cogneau le 10 juin 1935 – la première communion solennelle et la première procession de la fête Dieu auront lieu le 23 juin 1935. Dès l’été suivant, elle permit pour la première fois de réunir les paroissiens de Brignogan – sédentaires et estivants.
Cette chapelle – acquise depuis par la commune et devenue salle communale « Kastell Mor » – abrite désormais les nombreuses activités de la commune.
La construction de l’église Sainte Bernadette (1937 – 1939)
La nouvelle municipalité souhaite d’abord créer un cimetière : ce fut chose faite le 5 juin 1937. La construction de l’église elle-même sera décidée par l’évêque de Quimper en décembre 1937. En janvier 1938, l’architecte, M. Courcoux, se met au travail. En mars, les tracés sont effectués, suivis de quelques jours par la livraison des matériaux et le creusement des fondations par d’anciens marins.
Tout va très vite, en janvier 1939 le gros œuvre est terminé. La flèche restait à édifier mais cela n’était pas prévu immédiatement. L’important était de rassembler les fidèles dans cette nouvelle église. Le 4 juin 1939, la communion solennelle des enfants marquera la mise en service de ce nouveau lieu de culte. Il aura suffi de 15 mois pour ce chantier !
Le 7 septembre 1939, la consécration de la nouvelle église devait être célébrée, mais la déclaration de la guerre le 3 septembre a entrainé son report…jusqu’en 1956, soit 17 ans plus tard. !
En parallèle, l’acquisition d’une maison balnéaire par le recteur Bellec va permettre au recteur et aux abbés de loger en face de l’église. Cette maison devenue presbytère restera propriété du diocèse jusqu’en 2022, date à laquelle elle sera vendue et redeviendra la maison balnéaire qu’elle était à l’origine. A noter que les deux abbés ont acheté la parcelle de l’église et le futur presbytère sur leurs deniers propres. La parcelle de l’église appartenait à Mlle Marie Yvonne Jacq et le presbytère a été acheté à Mme Marie Anne Yvonne Prigent, veuve d’Auguste Soubigou. Ces biens ont fait l’objet d’une attribution à l’association diocésaine le 22 juillet 1941.
Les dates clés de la construction de Ste Bernadette :
- 17 décembre 1937, autorisation de l’évêque pour une nouvelle église
- 5 janvier 1938 – première réunion avec l’architecte M. Courroux, l’entrepreneur M Giambérini, le tailleur de pierres Mme Loirat
- 1 mars 1938 – premiers tracés
- 4 mars 1938 – livraison des premiers matériaux
- construction du mur en bord de mer,
- creusement des fondations à 1,20 m par 22 anciens marins de la paroisse
- creusement de 8 puits à 7,00 m par des spécialistes pour les fondations principales
- 26 juin 1938 – pose de la « première » pierre (alors que les murs sont déjà à 5 m …)
- 5 juillet 1938 – pose de la charpente métallique, coulage des dalles de la tribune et du clocher
- 8 Août 1938 – pose des voliges et des enduits des murs
- 22 août 1938 – pose des ardoises
En janvier 1939, le gros oeuvre est fini jusqu’à la salle des cloches.
- Février 1939 – finitions intérieures : enduits, maître autel, table de communion et chaire incorporée, sacristie, électricité
- Avril 1939 – pose du carrelage, des portes et planchers de la tribune, de la sacristie
- Mai 1939 – pose des vitres, claustras et autels latéraux
L’église resta dans l’état de 1939 – à l’intérieur comme à l’extérieur, en particulier sans son clocher – jusqu’en 1946.
Les dernières étapes de l’église Ste Bernadette (1945 – …)
Après guerre, l’aménagement de l’église reprend grâce aux recteurs – M Fichoux en 1945 puis M Robin dans les années 60 -, aux paroissiens et autres donateurs :
- Lampe du sanctuaire offert par la paroisse d’Ouessant, statues offerts par des paroissiens
- le 7 avril 1946, pose du grand Crucifix (face à la chaire – aujourd’hui disparue)
- le 18 avril 1946, installation des fonds baptismaux (M Kervevan, sculpteur à Lannilis)
- le 31 août 1946, bénédiction des 4 cloches par Mgr Cogneau
- Vers 1948, installation de 7 vitraux : ceux du choeur dont il ne reste que les 2 latéraux et 2 de forme ronde
- Vers 1958, installation d’un orgue (venant de l’église de l’Assomption à Paris) qui fera l’objet d’une restauration cf XXXX
- Vers 1960, installation des grands vitraux (de Auguste Labouret) sur les 2 faces du transept, ainsi que les vitraux dédiés à St Pierre et St Paul et ceux du fond invitant l’un à « aimer le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur » et l’autre à « aimer ton prochain comme toi même ».
- Vers 1963, construction et bénédiction de la flèche du clocher
- Vers 1968, remplacement des 3 vitraux centraux du choeur par de nouveaux vitraux dont la maquette est proposée par l’artiste Guily Joffrin cf. § Les vitraux
De nombreuses autres améliorations ont été apportées grâce au recteur Robin pendant les 22 ans qu’il a passées dans la paroisse :
les aménagements suite à Vatican II : suppression de la chaire, nouvel autel avec la face avant dessinée par Mme Guily Joffrin (cf ci contre),
l’électrification des cloches,
le chauffage,
la pose d’une moquette, …
On retrouve la statue de Ste Bernadette au dessus du porche et devant l’église, ainsi que celle de St Pol Aurélien.
Ste Bernadette aujourd’hui
L’église Ste Bernadette, propriété du diocèse, fait désormais partie de l’ensemble paroissial de la Côte des Légendes (avec Lesneven et la basilique du Folgoët).
La paroisse comprend également la chapelle Pol – propriété de la commune – site remarquable chargé d’histoire : un pardon est traditionnellement organisé dans le dernier dimanche d’août.
En 2022, le terrain entourant l’église a été cédé à la commune qui se charge désormais de l’entretien de cet espace.
En 2024, la toiture d’origine a été intégralement refaite grâce aux paroissiens et au diocèse.
Pour conclure cette période de construction, on peut se référer au témoignage de JL Brunet (cf texte intégral dans la rubrique Patrimoine Histoire):
» Cette [église Ste Bernadette] fut construite entre 1935 et 1939, (la fondation de la paroisse date du 5 juin 1935) et consacrée tardivement. Sa bénédiction prévue le premier dimanche de septembre 1939, n’a eu lieu qu’en 1942. Sa consécration date de 1956, par Monseigneur Fauvel, évêque de Quimper. L’inauguration des orgues en 1958 et la bénédiction du clocher en 1963. Lors de sa construction, le transport des pierres fut assuré par les agriculteurs possédant des charrettes et des chevaux. Le terrain avait été donné par mademoiselle Jacques. La maison devenue presbytère fut achetée à la famille Queinnec. Le premier recteur fut un vicaire de Plounéour-Trez, monsieur Roué qui resta peu de temps. Son successeur fut monsieur Bellec qui était professeur au collège Saint François de Lesneven. C’est lui qui s’occupa de la construction de l’église. Les offices, pendant des années se firent dans une chapelle provisoire : la salle communale et paroissiale actuelle.
Monsieur Fichoux lui succéda, il quitta Brignogan pour devenir curé de Plabennec. Monsieur Robin et monsieur Bihan ont tenu la paroisse durant les 30 dernières années, ils y ont laissé un profond souvenir.
Jusqu’en 1935-1936 tous les habitants pratiquants, estivants comme autochtones allaient à pied à Plounéour-Trez pour les messes du dimanche. Dans l’église, les hommes était groupés côté épitre et les femmes côté évangile même pour les mariages. qui ne se souvient de la férule sévère d’un certain recteur (qu’on appelait Biel) qui refusait la communion aux petites jeunes filles portant des robes qui laissaient leurs bras nus ? Le retour se faisait dans la joie et les rires en un long chapelet de piétons qui occupaient totalement la route. Une seule automobile pouvait les déranger, celle de monsieur et madame alexandre Baley »
Les pierres utilisées pour la construction
Les pierres ayant servi à la construction de l’église sont magnifiques : des pierres grises taillées provenant d’un granite fin pour le porche, l’entourage de vitraux, l’angle des murs, … et des pierres de couleur ocre, plus fines, faisant un contraste agréable à regarder.
Nos amateurs locaux – spécialistes en géologie bretonne et mégalithes – se sont bien entendu penchés sur la question de l’origine de ces granites :
- En 2014, Louis Chauris et François Demard retrouvent l’origine des granites gris de la structure : Huelgoat. Celui des 2 statues de Ste Bernadette et de St Pol-Aurélien à l’extérieur de l’église est en Kersanton. cf leur article ICI.
- Se posait alors la question de l’origine des pierres de couleur ocre ? En 2020, François Demnard découvrait inopinément son origine : cf article ICI
Nota : ces articles sont reproduits avec l’aimable autorisation de l’association Environnement et Patrimoine de Kerlouan.
L’orgue de l’église Ste Bernadette
L’instrument a été construit à la fin du XIXème par la maison ABBEY de Versailles pour l’Eglise Notre Dame de l’Assomption de Passy à Paris. Suite à l’agrandissement de cette église vers 1952, et à l’installation d’un nouvel orgue, l’orgue d’origine fut racheté pour la nouvelle église de Brignogan.
Lors de son installation en 1957 par la maison Beuchet Debierre, l’orgue a été modifié, l’instrument d’origine formant le récit expressif, un sommier neuf de trois jeux formant le Grand Orgue.
Dans les années 2000, de nombreux défauts sont cependant constatés :
Le buffet : Le buffet de l’orgue, de type autoporteur sans charpente intérieure, est largement attaqué par divers parasites – la boiserie ancienne tend à se dégrader et perd peu à peu la stabilité qui assure la cohérence des divers mécanismes de l’instrument.
La mécanique des notes : Celle-ci est attaquée par les vers tant au niveau des petits mécanismes en bois que des garnitures en feutre, toile, casimir, peau sciée et papiers.
La mécanique des jeux : Là encore il s’agit essentiellement d’usure qui empêche une ouverture correcte des registres à plein vent et surtout une ouverture régulière, identique d’une fois sur l’autre.
Le sommier, les tuyaux, les claviers, … présentent également de nombreux défauts liés à l’age : manque d’étanchéité, blocage, …
L’enjeu financier est significatif pour la paroisse : les travaux sont estimés à 50 000 € ! Sous l’impulsion de plusieurs paroissiens (dont M Godechot, bijoutier parisien attaché à l’église Ste Bernadette et à son orgue), une association est créée. Plusieurs étapes seront nécessaires pour la réalisation des travaux, mais grâce aux donateurs, la restauration est terminée et l’orgue centenaire de Ste Bernadette peut à nouveau accompagner les liturgies.
(Nota : les dates et le détail de réalisation restent à préciser … merci pour les éventuels compléments)
La réalisation des vitraux par J. Guily Joffrin
Les vitraux des transepts sont l’oeuvre de Auguste Labouret, maitre verrier à l’origine de plusieurs restaurations et vitraux dans les églises bretonnes – dont la basilique du Folgoet.
(Biographie : née en 1909 à Paris, Jeanne Joffrin est reçue en 1928 à l’École des Beaux-Arts de Paris dans l’atelier de Lucien Simon. Elle enseigne le dessin jusqu’en 1945, date à partir de laquelle elle se consacre à la peinture. Elle réalise de nombreuses expositions en France et à l’étranger. Ayant découvert Brignogan à l’age de 2 ans, séjournant dans l’hôtel pension Penanros entre les 2 guerres, elle choisit de s’installer dans la commune jusqu’à son décès en 2006. La galerie d’arts située rue de l’église dans la commune de Brignogan porte son nom – inauguration en 2020).
Jeanne Guily Joffrin réalisa donc des maquettes pour ces 3 vitraux du choeur (photos aimablement communiqués par Emmanuel Godechot) : cf ci contre.
Mme Guily Joffrin travailla ensuite avec Job Guevel pour la réalisation des vitraux.
(Biographie : Job Guével (1911-2000) est né à Pleyber-Christ dans une famille de négociants en vin. De vocation
artistique précoce, il intègre l’École nationale des Beaux-Arts de Paris. Sa rencontre avec Léa Hette, issue d’une lignée de souffleurs de verre de Bohême, est déterminante. Installés à Pont AVen, on dénombre plus de 300 vitraux de ce sculpteur dont un grand nombre en Bretagne, dans des églises, chapelles et chez des particuliers).