Eglise Saint Pierre – sa reconstruction en 1890

Plounéour Brignogan Plages

Préalable

L’église Saint Pierre, telle qu’on peut la visiter à ce jour, a été reconstruite à la fin du XIXème siècle : la consécration de la nouvelle église a eu lieu en 1890 – par Mgr Lamarche, alors évêque de Quimper et Léon.

La reconstruction a été le fruit de nombreuses étapes – sollicitant : le recteur de l’église, la fabrique, l’évêché, les architectes du diocèse, les entreprises et maîtres verriers, la préfecture, …  Les étapes commencèrent en 1873, date à laquelle on déclare le mauvais état irrémédiable de l’ancienne église, pour se terminer en 1900 environ, qui verra la pose des derniers vitraux.

Quelques précisions et définitions préalables avant de retracer l’histoire de cette reconstruction : l’origine du diocèse de Quimper et Léon, la Fabrique et le Recteur …

Préalable : Constitution du diocèse de Quimper et Léon :

Vers la fin de la période gallo romaine, autour de l’an 400, existaient 2 vastes cités : la Vetus Civitas (Ossismes) qui couvrait un vaste territoire : le nord de l’Armorique, et la Civitas Aquilonia, depuis l’Elorn jusqu’à l’Ellé (Quimperlé).

Le déclin de l’empire romain et le départ des romains de l’Armorique laissent de vastes territoires en proie à plusieurs révoltes et guerres locales.

À partir Vème et surtout VIe siècle, l’émigration venue d’Outre-Manche apporte nombre de modifications avec l’arrivée de nouveaux habitants venus principalement du pays de Galles, mais également du Devon et de l’Irlande , avec de nombreux moines et saints.

Les moines et les prêtres accompagnant l’émigration des (grands) bretons contribuèrent à fonder des paroisses (notamment les Plou … comme Plounéour trez) dans toute l’Armorique.

Le nombre et l’étendue des paroisses nécessiteront alors de créer une organisation ecclésiale : avec des archidiaconés (le Léon était alors un archidiaconé de l’évêché du nord de la Bretagne), des doyennés, des paroisses et des trèves (division de la paroisse).

Toute la période jusqu’à la révolution connut des événements tragiques : les invasions scandinaves, les guerres (de succession, de la Ligue, …), les grandes épidémies, …

Au XVIIème, Michel Le Nobletz, originaire de Plouguerneau, contribuera au renouveau spirituel dans les diocèses par ses prédications, particulièrement dans les ports et les îles. Pour s’adresser à un public illettré et captiver son attention, le père Le Nobletz fait réaliser des « tableaux de mission » – environ 70 « taolennoù ». Ils illustrent les principes à respecter ou des éléments de catéchèse. Michel le Nobletz lance également les « missions », c’est-à-dire des groupes de moines qui vont parcourir la région et rester quelques temps dans les paroisses pour enseigner.

Vint ensuite Julien Maunoir, père jésuite formé à Rennes, qui reprit les outils de Michel le Nobletz et rajouta d’autres moyens, comme le cantique et la procession, pour enseigner la vie de Jésus. Des conversions et des guérisons extraordinaires vinrent confirmer l’action du missionnaire.

Ces 2 prédicateurs qui ont sillonné la Bretagne occupent une place importante dans les vitraux de Saint Pierre.

Plusieurs diocèses existèrent alors : les plus anciens (Rennes, Nantes et Vannes), ainsi que Dol, St Brieuc, Tréguier, Quimper, St Pol, Aleth St Malo. Ils dépendaient de l’archidiocèse de Tours (dont St Martin fut le plus célèbre évêque).

La révolution française de 1789 apporta ses bouleversements, avec l’exil des prêtres réfractaires à la constitution civile du clergé de 1790, les exécutions, la dégradation des édifices et des statues, …

Le diocèse de Quimper et Léon fut créé pour correspondre au Finistère, département nouvellement créé par l’assemblée constituante – ses limites furent confirmées par le Concordat de 1801.

Aujourd’hui le diocèse de Quimper et Léon comporte 20 paroisses, plus d’un millier d’églises et de chapelles qui, ensemble, portent témoignage de cette riche histoire.

Préalable : Le rôle de la « fabrique »

La fabrique est, au sein des paroisses, l’organisme en charge de la gestion des affaires économiques. La fabrique comprend des représentants de l’église, de l’administration locale – le maire -, et réserve une place aux laïcs – principalement des notables – puisqu’ils contribuent aux ressources du culte. Les fabriques tirent leurs revenus des quêtes, du « casuel », de la location des chaises, en plus des revenus tirés de la location de terres et d’immeubles.

La vente de terres agricoles par la fabrique de Plounéour Trez a fortement contribué au financement de St Pierre.

Cette organisation existait depuis le moyen âge, mais a cependant beaucoup évolué après la révolution, puisque qu’une ordonnance royale l’a redéfinie en 1835 – elle a perduré jusqu’à la séparation de l’église et de l’état en 1905. Elle est depuis remplacée par des « conseils économiques » de paroisse ou de secteur, auxquels participent prêtres et laïcs.

Préalable : Le recteur ou le curé ?

Si, dans la religion catholique, on désigne par le terme « curé » le responsable d’une paroisse, en Bretagne, on préfère le terme « recteur ».

1734 – L’ancienne église de Plounéour Trez et un nouveau clocher

Les premiers éléments concernant l’ancienne église de Plouneour Trez datent du XVIIème siècle. Nous n’avons retrouvé que des esquisses concernant cette ancienne église.

Vers 1734, la fabrique fait réaliser un nouveau clocher qui sera modifié vers 1745 (ajout d’un nouveau palier). Ce clocher qui existe encore aujourd’hui reste remarquable avec sa double galerie à balustres et sa flèche octogonale. Puis une succession de travaux vont concerner l’ancienne église et son nouveau clocher :

– en 1748 (une petite cloche ayant pour parrain M. Barbier, marquis de Lescoet, et pour marraine Mme de Kerengar ;

– puis en 1789 une grande cloche ayant pour parrain M Camus de Pontcarré, Chevalier, et pour marraine Mme Huart, propriétaire des terres de Trévigny),

– en 1834 : agrandissement, en 1843 : réparations, …

En 1793, suite à un décret révolutionnaire, les 2 cloches furent descendues pour être fondues.

Plus tard, le clocher reçut une cloche initialement fabriquée en 1724 pour une église de Parme. Elle sera récupérée en tant que prise de guerre napoléonienne – n’ayant pas été utilisée pour servir aux pièces d’artillerie. Par erreur d’interprétation, cette cloche fut appelée « L’Espagnole » malgré son origine italienne !

En 1838 et 1844, 2 nouvelles cloches furent également installées : la 1ère ayant pour parrain M. Bihan Poudec et pour marraine Mme Inizan, et la 2ème M Bodennec et Mme Calvez, née Bihan Poudec.

Dans les années 1830, des documents attestent de projets pour agrandir l’église existante afin de l’adapter à la population importante de Plounéour Trez (3 000 âmes) – cf document en annexe.

Les anciens dessins de l’église avant reconstruction montrent une nef plus petite et plus basse, avec un toit bien adapté et raccordé au clocher :

XIX ème : l’ancienne église de Plouneour Trez menace de s’effondrer

En 1873, une visite de l’évêque pointe le mauvais état de la nef et interdit à la fabrique de dépenser inutilement l’argent de la paroisse sur l’église actuelle.

Il y a urgence car les problèmes de l’église sont sérieux : 6 piliers de la partie sud sud ouest « déversent » en s’écartant de la nef, phénomène du à la charpente mal construite et à des fondations moins résistantes à cet endroit (côté sud, vers la pente …).

L’architecte Joseph Bigot commente alors : « cet aspect vu en profil est tellement effrayant qu’on s’étonne qu’une chute n’ait pas eu lieu ! ».

Par ailleurs, la charpente du transept vrille et menace également de se casser …

Bref, l’église menace de s’effondrer !

Des travaux de soutènements sont alors entrepris pour éviter une telle catastrophe.

1874 : il faut reconstruire l’église St Pierre

Un premier architecte J Bigot mais des incompréhensions mutuelles …

En 1874, la fabrique décide de reconstruire l’église. Un premier architecte diocésien est contacté : Joseph Bigot, avec son fils Gustave.

Les 2 ossuaires du parvis – datant XVIIe et XVIIIe siècle – et le calvaire, sont bien sur conservés et ne seront pas concernés par ce projet .

Le recteur de la paroisse M. Goliès a plusieurs ambitions :

  • – une église plus grande pour correspondre à la population de 3 000 âmes avec au moins 500 m2 pour accueillir les paroissiens,
  • – de style « neo »gothique -style assez prisé à cette époque
  • – avec une nef haute de 12 mètres: le recteur prend pour exemple l’église de Ploudaniel et souhaite une nef au moins aussi haute compte tenu de l’importance de la paroisse de Plounéour …,
  • – 3 toits, le clocher surélevé, …

Plusieurs projets furent proposés par les architectes Bigot, répondant plus ou moins aux attentes du recteur Goliès. Mais, après 2 années, aucun projet n’aboutit. De nombreuses questions restent en discussion :

  • – le clocher – faut il le garder, ou le surélever pour s’adapter au nouveau toit plus haut, ou le déplacer pierre par pierre, le reconstruire ?
  • – le manque d’espace : que faire de la maison existant à l’ouest (instituteur) : la détruire, la conserver, …
  • – faut il conserver l’ouverture de la nouvelle nef dans l’axe actuel, … ?
  • – sans compter la nécessité de déplacer le cimetière qui entourait alors l’ancienne église et qui, en l’état, empêche de construire une église plus grande !
  • – l’allure et le nombre de piliers et de toits, les ouvertures, …,

La question financière reste également un sujet : de nouvelles églises construites dans les paroisses voisines (Kerlouan notamment) ont largement dépassé le budget estimé au départ.

L’emplacement de l’ancienne église est en effet limité, par le cimetière et par un bâtiment existant côté sud ouest (maison de l’instituteur ?).

L’ouverture de l’ancienne église se fait vers l’ouest.

Les relations se tendent entre les architectes Bigot et le recteur Goliès … La situation semble bloquée jusqu’en 1880 : le cimetière de Plounéour est déplacé sur son emplacement actuel, laissant une plus grande latitude pour implanter la nouvelle église.

En 1882, plusieurs terrains appartenant à la paroisse sont libres à la vente : la fabrique dispose donc de fonds pour la reconstruction.

Un deuxième architecte : Ernest Le Guerranic

  • La fabrique sollicite un nouvel architecte, Ernest Le Guerranic, qui propose successivement 4 projets. Son premier projet se rapproche de la version initiale proposée par M. Bigot, mais avec la surélévation du clocher actuel de 4 à 5 m. Ce projet est âprement discuté car la nouvelle superficie est proche de l’ancienne église (env 430 m2). La discussion revient également sur le déplacement du clocher pour permettre un agrandissement notable de la nef.
  • Des courriers de la préfecture en 1882 montrent les doutes, voire l’opposition à détruire le clocher existant (cf documents en annexe).
  • Devant l’opposition ferme de la fabrique et de la préfecture, une variante, plus simple et conservant la tour du clocher, sera en définitive validée.
  • Le clocher de 1734 sera en final maintenu en l’état : la nouvelle église s’adaptant à la tour et reprenant la même entrée principale.

Le projet final est approuvé en 1888 par toutes les parties prenantes : la fabrique, le recteur, le diocèse et la préfecture – soit 14 ans après la décision de reconstruire !

1888 : les travaux commencent

  • Automne 1888, une chapelle provisoire est construite.
  • Mai 1889, la première pierre de la nouvelle église St Pierre est posée.
  • Octobre 1890, la nouvelle église est consacrée par l’évêque de Quimper et Léon
  • Février 1892, la fabrique prononce la réception finale des travaux de la nouvelle église

A partir de 1893, plusieurs aménagements et embellissements seront réalisés : peinture, horloge, tribune, autels en marbre (1895), aménagement – armoires à aubes, crédence, lambris, … – de la sacristie, grilles des fonts baptismaux et des chapelles du transept.

Le montant total de la construction est de 87 344,66 francs … pour un devis initial de 120 000 francs en 1874.

En 1888, un décompte de la fabrique (cf document en annexe) fait état d’une dépense globale de 103 838 francs, englobant des frais complémentaires (chapelle temporaire, cierges, autels, …) en deçà du montant mobilisé par la fabrique de 106 237 francs.

En 1898, la société Artistique des Peintres Verriers est sollicitée pour la réalisation des vitraux. Léon Payan en dessine les détails. Les vitraux sont achevés vers 1900.

Pour découvrir les vitraux : ici.

1900 : la nouvelle église est achevée

L’architecture finale de l’église est finalement assez classique pour cette époque, de style « basilical ».

La conservation et l’intégration d’un ancien clocher à une nouvelle église est certainement une particularité dans les églises du Léon voire de Bretagne. Elle est à mettre au crédit de la ténacité du recteur et de la fabrique de Plouneour Trez, et du professionnalisme de l’architecte Ernest Le Guerrannic.

Ernest Le Guerranic sera également à l’oeuvre pour les églises de Saint Mathurin à Pleuven, Saint Nicolas à Saint Thonan, Notre Dame à Garlan, Saint Pierre à Plouenan, Saint Thénéan à La Forest-Landerneau, Saint Théarnec à Tregarantec, ….

Remerciements

VPP remercie les amoureux de notre commune qui ont collecté des informations, documents et photos qui ont permis de réaliser cet article, et plus particulièrement Bernard Petton pour les vitraux et Pascal Goulaouic pour la reconstruction de St Pierre.
VPP remercie également Alain Goasguen qui, en historien émérite,  a relu et corrigé la première version des articles.

Sources bibliographiques

  • – Rapport « Etude historique de l’église St Pierre de Plouneour Trez » demandé par la commune en 2018
  • – Histoire du diocèse de Quimper et du Léon www.diocese-quimper.fr
  • – « L’église de Plouneour trez et ses vitraux » – par l’Abbé L. Stéphan – curé doyen de St Renan – 1903

ANNEXES

1834 – Délibération de la fabrique pour un projet d’agrandissement

« 

Nous membres du conseil de la fabrique de Plounéour Trez, …. pour délibérer sur le projet d’agrandissement de notre église paroissiale et sur les ressources pour couvrir la dépense que ces travaux nécessiteront :

1 – Nous … reconnaissons à l’unanimité que l’église actuelle est trop petite pour une population de 3030 habitants et que delà il résulte des inconvénients tant pour la santé des fidèles que pour la présence au culte

2 – vu le plan et devis estimatif dressés par M Boyer, conducteur de travaux …. à Morlaix, … à 11 089 francs 48 centimes, nous acceptons le tout et autorisons, pour ce qui nous concerne, Jean Marie Boyer, trésorier de la fabrique, à le mettre à exécution dès que nous aurons obtenu l’approbation de mgr l’Evêque et celle de M le préfet …

….

La fabrique paierera à la fin de l’ouvrage la somme de 8 000 francs qu’elle aura alors à sa disposition, … plus le produit d’une souscription volontaire qui est présumée … au moins à 1 500 francs. Et pour le reste, ayant 1 500 francs de rente, sans compter les offrandes, elle paiera 1 000 francs par an, sans intérêt jusqu’au parfait paiement …

« 

1867 – Délibération du conseil municipal de Plounéour Trez – confirmation d’une population de 3000 habitants

« 

…. Le conseil municipal, considérant la nécessité d’avoir trois prêtres dans la paroisse, 1- vu la nombreuse population da la commune laquelle … 3 000 âmes (2915), 2- la nécessité d’avoir trois messes chaque dimanche …, et 3- le grand nombre de malades qu’il faut visiter et pour lesquels deux prêtres sont insuffisants ; le dit conseil demande qu’il soit accordé un second vicaire à la paroisse, et vote un traitement de deux cent cinquante francs à ce dit second vicaire dans le cas d’insuffisance des ressources de la fabrique.

« 

Juin 1882 – Courrier du préfet à mgr l’évêque – Pas d’autorisation envisagée …

« 

Monseigneur,

En visitant et examinant attentivement – en tournée de révision – l’église de Plounéour Trez et son clocher, j’ai acqui la conviction qu’une réédification complète de cet édifice n’est pas nécessaire et u’une reconstruction partielle donnerait satisfaction à tous les intérêts en cause.

J’ai constaté notamment que le clocher qui est remarquable d’ailleurs par son style, est d’aspect très solide et a tout au plus besoin de quelques légères réparations.

Il me semblerait dès lors très regrettable à tous les points de vue qu’on détruisit une œuvre d’une valeur artistique aussi réelle et qui a sa place marquée dans l’histoire de l’architecture de France.

Ce serait en quelque sorte faire preuve de vandalisme et faire, en tout cas sans raison plausible et d’une certaine manière aussi inopportune que peu justifiée, une dépense importante en pure perte.

….

J’ai tenu à vous signaler ces faits dès mon retour et à vous informer qu’il me semble totalement impossible d’autoriser la réédification complète de l’église de Plounéour Trez qui réparée dans le style actuel vaudra certainement mieux que les bâtiments sans caractère construits depuis quelques temps dans bon nombre de communes.

….

« 

Août 1882 – Courrier du sous préfet à M le maire –Autorisation envisageable …

 » Après avoir pris connaissance du dernier rapport de M Le Guerranic, architecte, sur le véritable état de l’église de Plounéour Trez, M le Préfet me fait connaitre qu’il ne s’oppose plus à ce qu’un projet de reconstruction de cet édifice soit dressé dans les conditions qu’indique cet architecte.

…. »

1888 – Etat des dépenses de reconstruction

 

Pontusval